Un viol n'est jamais un accident !

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Le 1er novembre 2018, Wivinne Marion, une jeune pédiatre de 42 ans, est sauvagement tuée alors qu’elle effectue son jogging matinal en région namuroise. Après avoir rouée de coups et violé la mère de famille, Xavier Van Dam est surpris en train de jeter sa voiture dans la Sambre. L’habitacle du véhicule recèle le corps de la victime. Accusé de séquestration, de viol et d’assassinat, il doit faire face à ses juges. Son procès débute ce 27 septembre devant la cour d’assises de Namur. Depuis le début de l’enquête, l’homme parle toutefois de « trou noir ». Véritable dissociation traumatique ou déni criminel, quelle est sa stratégie de défense ? On fait le point avec Danièle Zucher. Analyste du comportement criminel formée au FBI, elle a examiné de nombreux dossiers de victimes et d’auteurs de viols et d’agressions sexuelles.

Un trou noir de 3 heures ?

Selon les reconstitutions réalisées, Xavier Van Dam, 28 ans au moment des faits, récupérait endormi à l’intérieur de son véhicule garé tout près d’un bunker situé le long d’une route reliant Boninne à Champion. Il rentrait d’une soirée festive passée aux Folies Namuroise, à Meux, qu’il avait quitté à 6 heures du matin. Imaginant sans doute l’homme en proie à un malaise, Wivinne Marion aurait voulu s’enquérir de son état de santé. Tiré de son sommeil, Xavier Van Dam aurait alors très mal réagi en lui portant des coups.

Il est 8h45 quand un fermier est interpellé par un véhicule qu’il repère dans la campagne. Il aperçoit un homme qui sort un corps de la voiture et semble l’étrangler. Il dit aussi distinguer des cris. La scène se déroule à plusieurs centaines de mètres, mais ce témoin oculaire parvient à identifier le numéro de plaque d’une Renault Laguna bleue. Il contacte la police et l’appel est lancé. Xavier van Dam est interpellé un peu plus tard, à Flawinne, alors qu’il pousse sa voiture dans la Sambre. Le corps de la pédiatre gît dans l’habitacle. L’homme a des blessures aux mains et son tee-shirt est taché de sang. A l’autopsie, le médecin-légiste confirmera le viol et un décès survenu par strangulation et non par noyade.

Une amnésie manipulatoire

Depuis son arrestation, Xavier Van Dam n’a jamais changé de version. Lors de sa première audition, le 5 novembre 2018,  il explique aux enquêteurs ne se souvenir de rien. Il parle de « trou noir » entre 7 heures et 10 heures du matin. Quelques jours plus tard, il revient toutefois légèrement sur ses premières déclarations. Son trou noir n’est pas total. Il explique alors qu’il s’est réveillé, qu’il a du sang sur lui, qu’il fait le tour de sa voiture et découvert un corps dans son coffre. Il aurait alors paniqué et décidé de jeter sa voiture dans la Sambre.

Les experts psychiatres qui l’on examiné estiment pourtant qu’une amnésie apparaît peu crédible. Elle est vraisemblablement manipulatoire. L’expertise médico-psychologique le déclare responsable de ses actes. Une théorie partagée par Danièle Zucker. « L'amnésie traumatique est un mécanisme de défense fréquent chez les victimes de violences sexuelles. Ce phénomène de dissociation est une forme de protection psychique qui peut d’ailleurs durer de nombreuses années, d’autant plus si les faits ont eu lieu durant l’enfance. Sans connaître le dossier, il me semble que nous sommes plutôt dans un déni de la réalité chez l’auteur présumé. Au niveau de l’agir criminel, il y a une certaine durée dans le temps. Trois heures c’est très long. Et au niveau des actes posés, il y a une succession de comportements logiques : je frappe, je viole, je tue, je masque ».

La femme est une proie

Des témoignages recueillis par les enquêteurs auprès de son entourage, Xavier Van Dam possèderait deux visages. Fêtard, il peut être à la fois jovial et colérique et même plutôt incontrôlable, notamment lorsqu’il joue au football. Membre de l’équipe des vétérans de Han-sur-Lesse, il est connu pour être un mauvais perdant. Il sera d’ailleurs privé de jeu, de 2007 à 2011, en raison de son attitude violente envers les arbitres. L’assassin présumé de Wivinne Marion est aussi décrit par certains comme un chasseur, considérant la femme comme une proie. Au moment des faits, il file le parfait amour, à tout le mois en apparence, avec sa compagne, Laura. Mais, en vérité, il écume les soirées sans elle et jouit d’une réputation d’homme infidèle.

« Il y a deux hypothèses dans le déferlement d’une violence à l’égard d’une femme », nous précise Danièle Zucker. « Le crime immotivé peut est le propre de sujets délirants, ce qu’il appartient aux expertises de définir, mais cela ne semble pas être la conclusion retenue en l’espèce. L'autre hypothèse est une haine des femmes, assez classiquement observée chez les violeurs ou agresseurs sexuels en série. La biographie de l’auteur présumé, et en particulier sa relation avec sa mère, éclaire souvent sur ce point », poursuit Danièle Zucker.

Le viol n’est jamais un accident

« Le viol n’est jamais un accident ou un jeu sexuel qui aurait mal tourné. Le viol n’a rien à voir avec une attirance sexuelle ou des pulsions sexuelles incontrôlables. Il est le résultat d’une lente et longue évolution depuis l’enfance où la violence est souvent présente. Les violeurs utilisent leurs victimes pour ‘se réparer’ en les humiliant à leur tour. La vraie jouissance n’est pas le sexe, mais le pouvoir de vie ou de mort sur la victime. Et abuser d’une femme inconsciente, c’est ce qu’il y a de plus simple pour ces hommes. Dans la très grande majorité des cas, le viol est un acte intentionnel et récidiviste par nature », ponctue-t-elle.

Il est à noter également que l’accusé présente plusieurs antécédents judiciaires : une violation de domicile avec violence, chez une voisine, à Flawinne, en 2012 et du trafic de stupéfiants en 2015. Il écopera pour ces faits de deux condamnations devant le tribunal correctionnel : une peine de travail pour violation de domicile par effraction et coups et blessures ayant entraîné une incapacité de travail et une suspension du prononcé de la condamnation pour la vente de cannabis. Militaire caserné à Spa, puis à Arlon, il ne sera pas réintégré à cause de ses ennuis judiciaires.

Quatre hommes et huit femmes jugeront Xavier Van Dam. Il sera défendu par Mes Toussaint, Closson et Devaux. La famille de la victime sera défendue par Me Preumont. Les débats seront présidés par Olivier Warnon et Audrey Seminara sera l’avocat général du procès. Xavier Van Dam retrouvera-t-il la mémoire devant le jury d'Assises? « Aux vues de  sa personnalité, j'en doute. Il feint l'amnésie parce que son acte bestial est tout bonnement inexplicable, injustifiable », a récemment déclaré par voie de presse Me Preumont. Le souvenir sera le principal enjeu de ce procès. Face au mental d’acier que l’on attribue aux militaires, le défi s’annonce de taille.

A lire : « Le viol au-delà des idées reçues – Pour que cesse l’intolérable », Danièle Zucker, édition Plon – parution le 7 octobre 2021 - Danièle Zucker a dirigé durant seize ans le service d’urgences psychiatriques au sein du CHU Saint-Pierre à Bruxelles. Formée auprès des pionniers américains du FBI à l’analyse du comportement criminel (profiling), elle a examiné de nombreux dossiers à la fois de victimes et d’auteurs de viols et d’agressions sexuelles. Elle intervient aussi bien en Belgique qu'en France.

Alessandra d'Angelo