L’édition 2025 de l’Eurobaromètre confirme une mutation profonde des attentes citoyennes : les Européens réclament une Union capable d’assurer leur sécurité, de renforcer son autonomie stratégique et de défendre ses intérêts face à un monde traversé par les crises. À l’heure où l’instabilité géopolitique s’intensifie et où la compétition technologique et économique mondiale s’accélère, l’idée d’une Europe souveraine n’est plus une aspiration marginale, mais une exigence largement partagée.
L’impatience des citoyens
Les données parlent d’elles-mêmes :
- 68% des Européens estiment que l’UE doit jouer un rôle beaucoup plus actif dans la protection contre les crises mondiales et les menaces sécuritaires ;
- 89% souhaitent un renforcement de l’unité des États membres pour peser sur la scène internationale ;
- 77% considèrent que l’UE doit disposer de moyens accrus pour répondre aux nouveaux enjeux ;
- Les préoccupations immédiates restent économiques : 41% pointent l’inflation et le coût de la vie comme principale anxiété, en parallèle des demandes accrues de sécurité ;
- En termes de priorités stratégiques, les citoyens placent la défense et la sécurité (36%) au premier rang, suivies de la compétitivité économique et industrielle (32%) ;
- Enfin, 62% souhaitent un Parlement européen doté de compétences renforcées, signe d’une volonté claire d’une gouvernance plus efficace et plus démocratique à l’échelle continentale.
Une Europe forte, sinon marginalisée
Cette aspiration traduit une prise de conscience généralisée : sans capacité autonome, l’Europe risque la marginalisation dans un monde dominé par la rivalité entre grandes puissances. Entre la pression de la guerre en Ukraine, le retour de politiques de puissance assumées par la Russie, les ambitions géoéconomiques chinoises et l’imprévisibilité des alliances transatlantiques, les Européens mesurent la nécessité : l’Union doit se transformer en acteur stratégique crédible.
La hiérarchie des priorité est sans appel. Cela suppose :
- une politique de défense commune dépassant la fragmentation nationale actuelle ;
- le renforcement de l’industrie de défense européenne pour sécuriser les approvisionnements et éviter une dépendance excessive aux États-Unis ;
- un investissement massif dans l’innovation et les technologies critiques (intelligence artificielle, cybersécurité, batteries, spatial) pour préserver la compétitivité industrielle face à la Chine et aux États-Unis.
L’indépendance stratégique comme boussole
L’indépendance stratégique européenne ne signifie pas l’isolement, mais la capacité d’agir de manière autonome quand nécessaire. Cela implique de :
- diversifier les sources d’énergie et réduire la dépendance aux importations critiques (métaux rares, gaz, semi-conducteurs) ;
- développer une politique commerciale plus souveraine, protégeant les entreprises et travailleurs européens des distorsions de concurrence mondiales ;
- renforcer la résilience collective face aux risques globaux (climatiques, sanitaires, cyber).
L’Europe face à son miroir
Ce sondage n’est pas qu’une photographie : c’est un miroir tendu aux dirigeants européens. Les citoyens ont compris ce que les élites parfois hésitent à formuler : sans autonomie stratégique, l’Europe sera marginalisée. Dépendante de Washington pour sa défense, vulnérable à Pékin et aux marchés mondiaux pour ses technologies et ses ressources critiques, elle s’expose au déclassement.
Les résultats de l’Eurobaromètre ressemblent à un mandat. Ce n’est plus une consultation d’opinion, c’est une injonction : faites de l’Europe une puissance qui protège. Le temps des demi-mesures est révolu. Les Européens, eux, ont déjà tranché.