Dans un monde de plus en plus digitalisé, l’Europe fait face à une double réalité : sa dépendance croissante aux technologies numériques étrangères et l’impact énergétique considérable de ce secteur. Une récente étude menée par le Cigref et Asterès révèle que le coût économique de cette dépendance numérique est comparable à la facture énergétique de l’Union européenne, un constat de « coût caché » qui soulève des questions cruciales pour la souveraineté et la durabilité du continent.
Un coût astronomique
L’Europe importe massivement ses logiciels, services cloud et infrastructures numériques, principalement des États-Unis. Cette dépendance se traduit par une sortie nette de devises de l’ordre de 264 milliards d’euros par an, soit environ 1,5% du PIB de l’UE. Ce montant englobe les achats de services cloud, de logiciels et d’équipements essentiels au fonctionnement des économies européennes. En comparaison, la facture énergétique européenne, qui regroupe les coûts liés à l’importation de pétrole, gaz et autres sources d’énergie, est d’un même ordre de grandeur.
Cette situation économique est d’autant plus préoccupante que la dépendance numérique renforce la vulnérabilité stratégique de l’Europe. En s’appuyant sur des acteurs étrangers pour ses infrastructures critiques, l’Union s’expose à des risques liés à la souveraineté, à la sécurité des données et à la maîtrise des technologies clés. Le développement d’une industrie numérique européenne compétitive apparaît donc comme une nécessité pour réduire cette dépendance coûteuse.
Un secteur énergivore
Au-delà de l’aspect financier, la dépendance numérique a un impact énergétique majeur. Le secteur numérique mondial consomme déjà entre 10% et 15% de l’électricité mondiale, avec une croissance annuelle estimée entre 8% et 10%. En Europe, l’usage des technologies numériques représente plus de 9% de la consommation électrique totale. Cette consommation englobe non seulement l’utilisation des data centers et des réseaux, mais aussi la fabrication des équipements électroniques, qui nécessite l’extraction de ressources rares.
Les data centers, moteurs du cloud computing, sont particulièrement énergivores. Leur fonctionnement continu et la nécessité de refroidir les équipements génèrent une consommation électrique massive. Par ailleurs, la fabrication des appareils numériques implique des processus industriels gourmands en énergie et en matières premières, avec des conséquences sur les émissions de gaz à effet de serre et la production de déchets électroniques.
Vers une souveraineté numérique ?
La convergence du coût économique et énergétique de la dépendance numérique souligne l’urgence pour l’Europe de repenser sa stratégie dans ce domaine. Plusieurs pistes sont à l’étude pour renforcer la souveraineté numérique européenne : encourager la production locale de logiciels et de services cloud, soutenir l’innovation dans les technologies vertes, et promouvoir des standards ouverts et sécurisés.
Par ailleurs, la transition vers un numérique plus durable implique de réduire la consommation énergétique des infrastructures existantes, d’améliorer l’efficacité des data centers, et de favoriser l’économie circulaire pour limiter les déchets électroniques. Ces efforts conjoints permettraient non seulement de réduire la facture énergétique liée au numérique, mais aussi de limiter l’empreinte environnementale globale du secteur.