C’est un dossier très particulier qui est renvoyé aux assises pour meurtre par la chambre du conseil. Une affaire d’infanticide où la maman, Maud D. (25 ans), nie les faits depuis son interpellation, une affaire où les expertises médicales et psychiatriques se contredisent ; une affaire où la personnalité atypique de l’accusée pose également question, ses changements de versions ne plaident pas en sa faveur. C’est depuis la prison de Haren où elle est incarcérée que Maude D. nous a contactés pour nous livrer sa vérité : « Non, je n’ai jamais fait de mal à mon fils. Je ne l’ai pas tué, même involontairement », assure-t-elle. La jeune mère de famille nie toute responsabilité dans le décès du petit Yann, 7 mois, retrouvé mort étouffé en septembre 2019, dans l’appartement familial à Gosselies. « J’ai menti, je me suis inventé une vie, mais ça ne fait pas de moi une meurtrière. J’ai trouvé mon fils décédé ». L'intéressée crie son innocence et reste détenue malgré de très nombreuses décisions successives d'octroi de la surveillance électronique. Notre entretien avec le pénaliste maître Fabian Lauvaux, son conseil.
Rappel des faits
C’est le 15 septembre 2019 que Maude D. retrouve son fils, Yann, sans vie, dans son lit-cage à Gosselies. Après un an d’enquête et une longue audition, le juge d’instruction délivre le 6 octobre 2020, un mandant d’arrête à l’encontre de la mère de famille. Les inculpations retenues sont les suivantes :
- A Gosselies, le 29 août 2019, avoir tenté de commettre un homicide sur la personne de Yann D., né le 18 février 2019 ;
- A Gosselies, le 15 septembre 2019, avoir commis un homicide sur la personne de Yann D., né le 18 février 2019 et décédé le 15 septembre 2019.
Il faut dire que l’attitude de Maude D. depuis le décès de son bébé ne l’a pas aidée à écarter tous les soupçons. La mère de famille de trois enfants a multiplié les versions. À certains proches, elle a expliqué s’être endormie dans le lit-cage et s’être retrouvée sur son fils lorsqu’elle s’est réveillée. Elle a ensuite tenté de convaincre que le petit Yann avait perdu la vie à la suite d’une erreur médicale. Elle avait d’ailleurs créé un groupe sur Facebook pour dénoncer l’erreur médicale dont son enfant avait été victime. Pour maître Fabian Lauvaux, son conseil, le dossier est cependant extrêmement plus complexe et particulier.
Les expertises ne sont pas probantes
« Les rapports d'expertise ne permettent à aucun moment d'arriver à une conclusion claire en ce qui concerne la mort du petit Yann. Certains experts concluent à une mort par obstruction des voies respiratoires, d'autres indiquent qu'il n'en est rien, cette obstruction résultant des manœuvres de réanimation du petit Yann le jour de sa mort. Dans ce cas, la mort serait plutôt due à la mort subite du nourrisson », nous explique l’avocat. « Les indices retenus à l'encontre de ma cliente relèvent davantage d'éléments périphériques à l'enquête plutôt que de réels éléments matériels de nature à démontrer des actes ayant un lien causal avec la mort du petit Yann ».
Le gavage n’est pas démontré
La thèse retenue par le Parquet Général (le gavage) souffre aussi de diverses contradictions en termes d'éléments matériels au dossier répressif. « Il existe des divergences entre le liquide retrouvé dans le biberon lors de la perquisition chez ma cliente et le liquide retrouvé sur les lieux des faits (vomi) ; une quantité dudit vomi qui ne paraît pas correspondre avec l'hypothèse du gavage au vu de sa faible quantité ». Enfin, « il n’existe aucun élément qui démontreraient une maltraitance quelconque de l'enfant durant sa vie ».
Un acte sous-tendu par une pathologie ?
Si les infanticides commis par des pères sont souvent des actes « punitifs » destinés à faire souffrir la mère, ceux commis par des mères sont sous-tendus par une pathologie psychiatrique. Dans la majorité des cas, la mère est en dépression profonde. Cela peut aller jusqu'au « suicide altruiste » : une mère « aimante » tue son enfant pour le soustraire à une souffrance ou à une situation sans issue et tente ensuite de mettre fin à ses jours, comme ce fût le cas dans l’affaire du quintuple infanticide perpétré par Geneviève Lhermitte. Une dimension psychiatrique peut influer sur la responsabilité pénale de l’auteure et peut aller jusqu'à l'abolir.
Soit Maud D. est innocente, soit son geste est sous-tendu par une pathologie psychiatrique. Il appartiendra à la cour d’assises de trancher. Un procès qui sera particulièrement suivi par la famille, les proches et ceux qui ont connu l’accusée. Avec un avocat de la défense qui possède plus d’une corde à son arc pour tendre à la vérité judiciaire. Ténor du barreau de Charleroi, maître Fabian Lauvaux compte près d’une cinquantaine de cours d’assises à son actif.