Pour le premier numéro d’Horizon Foot, nous sommes allés à la rencontre de Cyril Rousseaux (l'architecte de la RAAL, du Sporting de Charleroi et de l’Union Rochefortoise). Avec l'homme à la tête de la réalisation des futurs stades de La Louvière, Charleroi et Rochefort, nous avons exploré le football par le prisme de l’urbanisme : : « L’ambiance est primordiale et doit dépasser l’architecture du stade »
La construction de nouveaux stades en Belgique n’est pas une chose fréquente. Si l’on met de côté les projets récents de rénovation à l’Antwerp, Malines ou encore Waregem, le dernier vrai nouveau stade date de 2013, à Gand, avec la Ghelamco Arena. Même pour l’Euro 2000, notre pays avait fait le choix de rénover sommairement ses stades plutôt que de construire de toutes nouvelles enceintes. Mais les choses bougent – enfin ! diront certains – avec des projets à Charleroi (2027), La Louvière (2025) et Rochefort (2027). Dans la Cité des Loups, le stade devrait même être finalisé pour l’été 2025.
Le point commun de ces trois grands projets, c’est Cyril Rousseaux. L’architecte-gérant du bureau Carré 7 est l’un des rares en Belgique à concevoir des stades de football. Une entreprise particulière à laquelle il ne se destinait pourtant pas. « Tous les architectes ont des rêves. Moi, je voulais construire un hôtel de police, une caserne de pompiers, une tour, ou même un pavillon pour une exposition universelle, ce que nous avons d’ailleurs réussi dernièrement », rigole-t-il. Et aujourd’hui, le voilà impliqué dans ces différents projets qui permettent de découvrir comment on conçoit et construit un stade de football en 2024.
Construire plutôt que rénover
À La Louvière, où nous rencontrons l’architecte, le chantier du nouveau stade se situe derrière l’actuel Tivoli. Pourquoi donc avoir décidé de construire un nouveau stade plutôt que de rénover l’existant ? « Il y a plein de normes qui sont sorties en 2013 et beaucoup de stades ont dû se mettre en conformité. Mais ce sont des stades avec des rustines où on essaye de faire des choses. L’idéal, c’est de partir sur quelque chose de nouveau », explique Cyril Rousseaux.
Partir d’une page blanche permet donc de développer un nouveau projet avec plus de libertés. Car la destination des nouvelles enceintes change sensiblement de celles existantes. « Pour chacun des stades, il y a une particularité bien spécifique : à Charleroi, le but est d’y faire autre chose que du sport en faisant une Arena qui peut accueillir tout type d’événements, comme des concerts. C’est vraiment le but et le stade a été étudié au niveau acoustique pour ; à La Louvière, le président veut y faire jouer toutes ses équipes, donc ça fonctionnera tous les week-ends ; à Rochefort, c’est aussi un stade multifonctionnel, mais pas pour y recevoir des concerts. Il y aura également du padel, un hôtel, un business center, un centre médical. »
Jongler avec les normes
Le défi aujourd’hui dans la construction d’un nouveau stade, c’est de devoir intégrer une multitude de normes. « C’est très compliqué », commente l’architecte. « Ce n’est pas parce qu’il y a une norme qu’elle fonctionne, car il y a les services de secours, les normes belges, UEFA… Une fois qu’on mélange tout ça, on se rend compte qu’il y a des choses qui ne collent pas ensemble et, malheureusement, il faut demander des dérogations. »
Et s’il faut parfois se contenter du minimum par contraintes budgétaires, il y a certaines fois où on va plus loin, comme sur le volet écologique. « C’était une volonté de la part de chaque président, de construire des stades 2.0 à la pointe de la technologie, écologique et économique. Les hausses de prix de l’énergie nous imposent de chercher à faire des économies et de mettre au minimum des panneaux photovoltaïques et d’autres pistes d’économies comme la récupération des eaux de pluie, des pompes à chaleur et l’isolation des bâtiments. »
Le cas de Charleroi est encore plus spécifique puisque sa destination multiple complexifie encore un peu plus les choses, en particulier sur l’aspect acoustique. « À Charleroi, on a été au point où l’amélioration suivante, c’était de faire une salle fermée. Mais ce n’était plus un stade de foot, ça devient une salle de concert et les normes incendies sont multipliées par deux ou par trois avec des coûts incalculables et non justifiés », explique-t-il.
« Ce n’est pas parce qu’il y a une norme qu’elle fonctionne, car il y a les services de secours, les normes belges, UEFA… Une fois qu’on mélange tout ça, on se rend compte qu’il y a des choses qui ne collent pas ensemble et, malheureusement, il faut demander des dérogations » - Cyril Rousseaux
Intégrer son environnement
Mais un stade n’est pas un bâtiment isolé. Celui-ci doit s’intégrer au mieux à son environnement. À ce titre, les trois projets portés par Cyril Rousseaux permettent d’appréhender différentes contraintes, mais aussi de voir les points communs qui relient la conception de ces nouvelles enceintes. « Les trois emplacements ont été choisis pour la mobilité », expose l’architecte. « Au Sporting de Charleroi, le stade a été implanté en entrée de ville, car on avait un accès très aisé par le R3, par Montigny, par le métro, par la Sambre également qui est au pied du stade et peut donner un autre accès, ainsi que par la gare de Marchienne qui est à 300 mètres. À La Louvière, il est idéalement situé, car on a pu faire une fusion avec le parking de l’hôpital, les visites étant interdites à ces heures-là les soirs de match. Cela nous permet de bénéficier de 1000 places. Et il y a aussi le contournement qui est en construction et amènera un accès direct depuis l’entrée de ville. »
Créativité limitée
Dans la classification des arts, l’architecture arrive en tête. Comment, dès lors, en tant qu’architecte, peut-on exprimer sa créativité lorsqu’on dessine un stade de football ? « On exprime sa créativité selon un budget. Et ce n’est pas facile », rigole Cyril Rousseaux. « On n’a pas 500 ou 600 millions comme le Real Madrid, donc on fait avec ce qu’on a et on essaye quand même de faire du beau. À Charleroi, on est super fier de la façade, uniforme, qui crée un superbe élément. À La Louvière, on a choisi de mélanger l’art avec le sport, et donc on a 40 tableaux de Daniel Pelletti qui seront en périphérie. C’était un plaisir. »
Autre point qui peut déterminer la manière dont le stade est conçu, c’est tout simplement la manière dont il sera construit. « On a travaillé, pour Charleroi et la RAAL, en bouwteam. On était donc avec un entrepreneur qui, dès qu’on traçait une ligne, nous disait « attention, ça va coûter autant, ça autant » ou alors « attention, j’ai d’autres systèmes ». Ça a été ça la particularité de travailler avec Wanty sur le stade de la RAAL, c’est qu’ils ont presque imposé leur système constructif parce que c’est là où ils étaient le plus économiques. Donc on a travaillé avec cette trame, ces éléments préfabriqués qui nous ont permis de faire diminuer grandement le coût. »
L’ambiance et le foot au centre
Mais pour Cyril Rousseaux, il ne faut de toute façon pas créer un projet trop ostentatoire, trop « blingbling » qui effacerait le reste. Pour lui, l’important, c’est l’ambiance que le stade permet de créer. « Elle est primordiale, voire elle dépasse l’architecture du stade », assure-t-il. C’est d’ailleurs cela qui permet de créer une âme aux nouvelles enceintes, critique souvent posée aux récentes constructions dans le monde. « Si c’est pour avoir un stade de 20.000 places avec seulement 4000 personnes, ça fait vide. Ici à La Louvière, c’est un stade de 8050 et je pense qu’un jour il y aura peut-être 10.000 demandes. »
Julien Denoël
Découvrez l’interview complète de Cyril Rousseaux dans Horizon Foot