Une réaction à l’arrestation arbitraire de l’écrivain Boualem Sensal ne s’est pas faite attendre. Auditionné par le Sénat, ce 27 novembre, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, se dit « favorable à la remise en cause de l’accord signé entre la France et l'Algérie le 27 décembre 1968 » et qui règlemente la circulation, l'emploi et le séjour des ressortissants algériens en France. Qualifiant cet accord de « désuet et non justifié », il estime qu’il est en « décalage total avec les réalités migratoires et diplomatiques actuelles ».
L’accord franco-algérien serait à l’origine d’une « immigration d’installation », accordant un statut dérogatoire et des privilèges disproportionnés aux ressortissants algériens sur le droit commun par rapport aux autres ressortissants du Maghreb. Ainsi pour séjourner plus de trois mois, les Algériens peuvent obtenir un « certificat de résidence pour Algériens » (CRA). Valable un an, le titre permet aux ressortissants de séjourner en France pour des raisons privées ou familiales, ou pour les études ou un emploi et ils peuvent librement s'établir pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante.
En 2022, 600.000 CRA ont été délivrés. Même l’obtention d’un titre de séjour de 10 ans est plus simple pour les Algériens qui peuvent l’obtenir après trois ans en métropole contre cinq pour les autres nationalités. La situation de la France est d'autant plus défavorisée que l'Algérie ne remplit pas ses obligations, notamment en ce qui concerne la délivrance des laissez-passer consulaires qui permettent de réaliser les expulsions.
Cette position de Bruno Retailleau s'inscrit dans une politique plus large visant à durcir les conditions d'immigration en France. Depuis sa nomination comme ministre de l'Intérieur le 21 septembre 2024, il a annoncé plusieurs mesures dans ce sens.
Historiquement, l’accord a été révisé par trois fois en 1985, 1994 et 2001, ce qui a débouché sur trois avenants qui n’ont jamais modifié les grands principes du texte. L’idée d’une quatrième révision est d’abord venue, en 2018, d’Edouard Philippe alors qu’il était ministre de l’Intérieur. Elle a été reprise ensuite par les Républicains en 2023 lors des débats autour de la nouvelle loi sur l’immigration. Elisabeth Borne, l’ancienne Première ministre, l’avait également annoncé durant ses vingt mois à Matignon, mais elle n’a pas eu lieu. Abdelmajid Tebboune, le Président algérien alors déjà avait vertement réagi à ce projet dans une interview donnée au journal Le Figaro en décembre 2022.