Alibaba : « Pire que la cocaïne »

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De nombreux pays ont essayé de se positionner comme la porte d'entrée de la Chine en Europe. C'était également le cas de la Belgique, lorsqu'elle a tenté de convaincre Alibaba de faire de l'aéroport de Liège (Bierset) - situé dans une région caractérisée par un taux de chômage relativement élevé et une désindustrialisation - son principal hub européen. Mais, les autorités belges ont-elles fait preuve de naïveté ? Le virage a-t-il été mal amorcé ? Au lieu de stimuler les exportations vers la Chine, l'arrivée d'Alibaba à Liège a surtout profité au « capitalisme chinois », affirme, dans une étude, Jonathan Holslag, politologue, professeur de politique internationale et spécialiste de la Chine. Alibaba n’est pas qu’une simple multinationale de haute technologie. L’entreprise sert stratégiquement les intérêts de la Chine.

Selon Jonathan Holslag, « la politique chinoise attendait d'Alibaba qu'il contourne les entreprises européennes et exporte plus directement vers ses consommateurs. Quatre ans après son arrivée à Liège, les exportations belges via Alibaba sont restées minimes, tandis que les services douaniers sont incapables de contrôler le tsunami de colis chinois ». Dans cette étude, les douaniers qualifient ainsi les Chinois de « plus inventifs que les trafiquants de drogue ».

Peu de concret

Les attentes étaient élevées à l'époque. Le gouvernement s'attendait à ce qu'Alibaba crée 3.000 emplois, dont 900 emplois directs. Il était également espéré qu’Alibaba générerait de précieuses opportunités pour les exportateurs belges de pénétrer le marché chinois. En outre, la plate-forme numérique mondiale donnerait un coup de pouce aux efforts d'internationalisation des petites et moyennes entreprises locales. « Peu des promesses initiales se sont concrétisées. Seul un petit nombre d'emplois directs a été créé. Les entreprises belges ont à peine augmenté leurs exportations via le hub d'Alibaba à Liège. Pendant ce temps, les agents des douanes sont submergés par des centaines de millions de paquets Alibaba, incapables de les inspecter correctement. Un fonctionnaire des douanes résume : c’est pire que la cocaïne »

Une promesse politique sans stratégie

Pour Jonathan Holslag, « aucune réflexion critique n’a été tenue (…) La promotion des exportations via Alibaba était une promesse plutôt qu'une politique, et encore moins une stratégie. Il n'y a pas eu d'analyse réaliste de l'évolution des flux commerciaux et de la manière dont on pourrait éviter que le projet Alibaba n'exacerbe le problème du commerce déséquilibré qui existe déjà entre la Belgique et la Chine. Enfin, il n'y a pas eu de calcul réaliste de l'ampleur des efforts que l'afflux de biens d'entreprise à consommateur exigerait en termes de capacité douanière ».

Un cheval de Troie

Pour l’auteur de l’étude, « le cas d'Alibaba à Liège est pertinent dans un contexte européen plus large. Il montre comment l'absence d'une évaluation équilibrée des investisseurs chinois peut conduire à des irréalistes et à une mauvaise politique. Il révèle également comment la Chine s'est servie d'Alibaba comme d'une façade d'entrepreneuriat pour promouvoir d'importants objectifs en matière de politique étrangère d'entreprenariat pour faire avancer des objectifs importants en matière de croissance industrielle en Europe ». Et de conclure : « Des projets tels que celui d'Alibaba à Liège sapent les efforts déployés au niveau de l'Union européenne pour rendre le commerce avec la Chine plus équilibré et à œuvrer en faveur de la réciprocité. Ils contribuent également à entretenir la concurrence entre États membres de l'Union européenne pour devenir la porte d'entrée de la Chine dans le marché intérieur européen, ce qui nuit évidemment à la position de négociation collective de l'Europe vis-à-vis de Pékin ».

Pour consulter l’étude : https://www.jonathanholslag.be/wp-content/uploads/2023/02/Alibaba-fin.pdf

 

Alessandra d'Angelo