Voter pour un siège vide

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C’est l’une des forces politiques du pays : les « électeurs » qui ne se déplacent pas aux urnes ou qui votent blanc ou nul. 438.095 votes blancs ou nuls ont été exprimés aux dernières élections de 2019, soit 6% des bulletins déposés. Ils étaient au nombre de 412.951 en 2014, soit une augmentation de 6,09 %. A Anvers 13,3% des électeurs n’ont pas voté valablement, à Ostende 14,6% et à Liège jusqu’à 25,4%. Lors des élections de 2014, 851.278 personnes ne se sont pas déplacées pour aller voter. En 2019, ce chiffre a augmenté de 11,5 %, soit 949.076 personnes qui ne se sont pas présentées aux urnes. Si les votes blancs et les votes nuls sont bien comptabilisés, il n’en est pas tenu compte lors de la répartition des sièges entre les partis. Ils sont donc totalement ignorés et aucun parti ne peut en faire usage. Ces votes donnent en revanche davantage de poids à l’ensemble des partis élus que si des sièges avaient été attribués à ces votes blancs ou nuls, ce qui est anti-démocratique pour le nouveau parti Blanco. Il considère qu’un nouveau choix de vote doit être proposé aux électeurs qui ne souhaitent pas soutenir l’offre politique proposée : un siège vide dans l'hémicycle du Parlement en signe de protestation. Une fois élus, les représentants de Blanco s'abstiendront lors de chaque vote. Mais quel est le profil de ces « électeurs » qu’ils représentent ? Décryptage.

Manque de représentation

Les personnes qui ne se présentent pas aux urnes représentent près de 12% de l’électorat. A ces chiffres s’ajoutent les votes pour les partis n’ayant pas atteint le seuil électoral. Ils sont 20 à avoir obtenu ensemble 276.074 voix en 2019, mais aucune représentation. Au total, ce sont 1.663.245 personnes qui ne sont pas représentées au Parlement. Une personne sur cinq (20,36%) parmi la population en droit de voter n’a pas choisi les représentants qui nous gouvernent. Ainsi le parti s’érige-t-il en alternative aux extrêmes. « On entend souvent des gens qui disent voter PTB/PVDA ou Vlaams Belang en guise de protestation. Nous ne voulons plus accepter ce genre de discours. À présent, nous offrons une troisième voie », affirment les porte-parole du parti, Laurent Ryckaert (43 ans) et Raf Lens (45 ans). Le programme de ce parti ne compte pas d’autres points.

Pas de profil-type

Nahid Shaikh, journaliste d’investigation et réalisatrice à la VRT, est partie sur les routes belges à la rencontre des citoyens qui ne donnent leur voix à personne. En est né un reportage intitulé « Blanco ». Son premier constat : on a tendance à penser que les abstentionnistes se retrouvent dans les milieux précarisés, mais on les trouve à tous les niveaux de l’échelle sociale. C’est aussi un phénomène qui touche beaucoup les jeunes (entre 18 et 34 ans). La cause : le sentiment que c’est dans des manifestations qu’ils ont le sentiment d’être écoutés et pas dans les isoloirs.

Souvent, ne pas voter est un choix de protestation contre la particratie. Il y a aussi le sentiment que les coalitions se font à l’avance, constate Nahid Shaikh. S’ajoute la question de petits partis : « Des gens qui voteraient par exemple pour le PTB et qui se disent qu’ils n’arriveront jamais à avoir le pouvoir. » La crainte du vote inutile.

Vient enfin le manque de sanction. Tous ceux qui ne se rendent pas aux urnes disent avoir constaté qu’ils ne sont jamais sanctionnés. La peur du gendarme n’existe donc pas. D’où cette réalité chiffrée : Si l’on comptabilise tous les abstentionnistes, leur nombre en fait le deuxième plus grand parti du pays.

Un parcours du combattant

Blanco a pour l’heure présenté 16 candidats, mais il n'est pas encore un parti officiel. Pour cela, il a besoin de 77 candidats : sept pour chacune des 11 circonscriptions. Pour figurer sur les bulletins de vote, les candidats de Blanco doivent également recueillir suffisamment de signatures dans chaque circonscription. Pour les circonscriptions flamandes et la circonscription de Bruxelles-Capitale, ils ont besoin de 500 signatures chacun. Pour être éligible dans l'ensemble du pays, il leur faut 4.700 signatures au total. S'ils n'y parviennent pas, ils peuvent également essayer d'obtenir les signatures d'au moins trois députés sortants.

Ensuite, pour obtenir un siège au parlement, ils doivent atteindre le seuil électoral. Pour ce faire, ils doivent obtenir 5 % des votes valides dans une circonscription.

Pour quel objectif ?

Pour percevoir le premier euro de subsides, Blanco doit obtenir au moins un élu. A la question de savoir ce qu’ils feront des dotations qu’ils recevront, les porte-paroles de Blanco affirment que les subsides perçus serviront leur unique projet : modifier la loi électorale afin de pouvoir voter directement pour un siège vide, sans besoin du Parti Blanco pour cela qui disparaîtra de facto.

Mais, même s’ils parviennent à siéger dans l’hémicycle parlementaire, il reste encore à savoir comment ils modifieront la loi électorale. Cela nécessitera un amendement constitutionnel, qui devra notamment être approuvé par les deux tiers de la Chambre des représentants. Et il y a fort à parier que les « couleurs » politiques ne soutiendront pas le « blanc » …

 

 

 

Alessandra d'Angelo