L'envol industriel de la Chine

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Avec une demande intérieure qui stagne et des surcapacités, les industriels chinois vont chercher des débouchés sur les marchés étrangers. Alors que les crédits bancaires aux promoteurs immobiliers en difficulté déclinent, ceux aux industriels ont pris la relève. Acier, panneaux solaires, véhicules électriques, biotechnologies, produits pharmaceutiques, high-tech, les produits manufacturés écoulés à des prix cassés inonde le marché européen, mettant à mal de nombreux secteurs industriels, noyés sous le flot d’importations non régulées. En 2023, 35% de la production industrielle de la planète provient de Chine. Elle est trois fois plus importante que celle de son poursuivant le plus proche, les Etats-Unis. Le trop-plein de la Chine noie l’industrie européenne et ce n’est qu’un début. Comment l’Europe se protège-t-elle ? En marchant sur des œufs !

Le premier déposant mondial de brevets

 

En 2019, la Chine est devenue le premier déposant mondial de brevets, dépassant les États-Unis et le Japon. Les initiatives stratégiques lancées par le gouvernement chinois telles que « Made in China 2025 » ou son plan de développement de l’intelligence artificielle pour 2030 démontrent l’engagement continu de la Chine pour l’innovation et la croissance technologique. De plus, les « Nouvelles routes de la soie », visant à relier économiquement la Chine à l’Europe, en intégrant les espaces d’Asie Centrale par un vaste réseau de corridors routiers, ferroviaires et maritimes, faciliteront les exportations du pays et l’aideront à trouver de nouveaux marchés.

 

Des surcapacités

 

L'investissement des entreprises hors immobilier a crû de 10% en 2023. Dans l'automobile et l'aérospatial, ils ont augmenté de 18% et dans les composants électroniques, de 15%. Des surcapacités se font jour dans le pays. Le symbole le plus évident est celui des voitures électriques chinoises, dont les importations européennes sont passées de zéro à 12 milliards d’euros en cinq ans, avec des marques comme BYD, inconnue du grand public. Il y a aussi les importations européennes de chimie organique (+ 34 % en cinq ans) ou celles des matières plastiques, qui ont presque doublé. Ou encore les médicaments : la moitié des laboratoires dans le monde qui produisent de l’amoxicilline, l’antibiotique le plus couramment utilisé, sont installés en Chine.

Un taux de chômage historique

Ces surproductions industrielles font suite à un taux de chômage historique des jeunes dépassant les 21% à l’été 2023 et à un secteur immobilier, pilier de l’économie chinoise, au bord de l’explosion. Ajouté à cela un manque de consommation intérieure des ménages, la dernière solution chinoise a été de se tourner vers une saturation des marchés de l’exportation à l’échelle mondiale, l’Europe étant la première cible par le manque de protection douanière à ses frontières.

Oui, mais non !

Pour les consommateurs européens, aux prises avec une crise inflationniste, le recul des prix à la production en Chine se présente comme une aubaine. Mais à long terme, la conséquence de l'afflux de produits chinois aura des effets délétères sur l'industrie européenne, avec un risque de faillite à grande échelle. Le symbole le plus évident est celui des voitures électriques. Face à cette menace jugée illégale pour sa compétitivité industrielle, l’Europe « enquête ». Début avril, l’Union européenne ouvrait une enquête visant des fabricants chinois d’éoliennes accusés de recevoir des subventions du régime chinois, faussant la concurrence sur le marché européen. Une pratique déjà dénoncée dans l’automobile, le ferroviaire et les panneaux solaires et créant une concurrence déloyale dans le cadre d’appels d’offres en Europe.

S’armer, sans vexer …

Le monde qui a permis l'envol de l'économie chinoise et son expansion internationale n'est plus. Un temps partenaire, puis plutôt concurrente, et même rivale, la Chine donne aujourd’hui bien du fil à retordre à l’Union européenne qui n’a de cesse de repenser son positionnement. Fervente partisane du libre-échange, craignant de perdre du terrain, l’UE cherche une nouvelle voie pour doper sa compétitivité en restaurant une certaine souveraineté, mais sans vexer un allié de longue date dans un contexte de frictions géopolitiques aiguisées. Guerre en Ukraine et à Gaza, tensions autour de Taiwan, les sujets épineux sont nombreux. Pour contrer l’expansion économique chinoise, l’Europe compte aussi renforcer sa coopération internationale, ses partenariats stratégiques et ses accords commerciaux internationaux avec le plus large éventail possible de pays. « A long way to road » donc, le tout … dans de la soie.

 

Alessandra d'Angelo