Des salaires astronomiques pour du sport !

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L’émission de France 2 « Complément d’enquête », diffusée ce 28 mars, s’est intéressée aux montants alloués au comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP). Elle a découvert que d’aucuns étaient grassement rémunéré. Un demi-milliard d’euros de masse salariale, ce sont les salaires extravagants des dirigeants des JO de Paris 2024. « On a dû aller chercher les meilleurs talents, parfois en les débauchant », justifie Michaël Aloïsio, porte-parole du comité. A la lecture de la note budgétaire interne, le constat est à l’évidence plus trouble. Rémunérations XXL, soupçon de favoritisme, coûts cachés, enquête ouverte par le parquet national financier, les jeux d'argent sont au cœur des Jeux du Stade. Et l’essentiel pour les cadres dirigeants semble être apparemment d’y participer.

Dans les 106 pages de la note budgétaire interne, datée du 11 décembre et que France 2 a pu se procurer, l’estimation totale de la masse salariale pour les JO est de 584,8 millions d’euros. Sont concernées l’intégralité des salaires versés depuis 2017 à une « trentaine d’employés en poste depuis le début, ainsi que les 4000 fiches de paie éditées au moment des Jeux olympiques ».

Un comité qui assume cette somme, même si elle est supérieure de 115 millions d’euros à la somme annoncée dans le dossier de candidature. Le porte-parole du comité d’organisation, Michaël Aloïsio, l’explique ainsi : « Lorsque vous organisez les Jeux olympiques, vous avez besoin des meilleurs experts au monde, et donc il n’est pas anormal que notre principal poste de dépense soit sur cette expertise ! »

Jusque-là, pas vraiment de quoi hurler aux loups. Le COJO est destiné à disparaître, et avec lui les emplois de directeurs ayant pour beaucoup abandonné des postes plus durables. Surtout, le comité d’organisation fonctionne avec un budget composé pour 96% d’argent privé. Les salaires de son personnel ne sont donc pas prélevés sur des fonds publics.

2,2 millions d’euros pour 5 dirigeants

Mais, plus embarrassant, l’émission de France 2 assure que certains salaires de la direction ont augmenté, parfois de façon importante, au cours de l’année 2023. Une période où le COJO a pourtant répété régulièrement serrer à fond tous les boulons pour rester dans les clous de son budget, malgré une inflation galopante.

Les journalistes de « Complément d’enquête » ont ainsi découvert un autre document qui remet en question cette affirmation pour ce type de prestation. Un pré-rapport de la Cour des comptes daté de mars 2021 évoquait en effet « des niveaux de salaire plus élevés en moyenne que dans le secteur privé » : 13 directeurs du COJP sont rémunérés autour de 153.000 euros brut par an, 8 directeurs exécutifs plus de 200.000 euros et un directeur général est à 260.000 euros. Le total des 5 rémunérations les plus élevées s’élève à un cumul de 2,2 millions d’euros par an.

300.000 euros par an pour Tony Estanguet

« Cela a été encadré par des experts qui ont validé une grille de rémunération », se justifie le président du COJOP, Tony Estanguet, lui-même payé plus de 300.000 euros par an depuis 7 ans. Il explique ainsi qu’il y a « des compétences très recherchées » et que le comité des rémunérations du comité est « indépendant ». La cure d'austérité recommandée par la Cour des comptes n'est donc pas à l'ordre du jour.

Hasard du calendrier, Tony Estanguet était auditionné, mercredi 27 mars, devant une commission parlementaire. Le président du COJO a expliqué le pourquoi et le comment d’un dossier qu’il aimerait bien ranger pour de bon, et pouvoir se concentrer sur l’essentiel, la livraison des Jeux. « Le montant de la masse salariale, 584 millions d’euros, représente 13 % du budget du comité, plutôt inférieur par rapport au dernier comité d’organisation des Jeux (Tokyo 2020) et à beaucoup d’entreprises », a-t-il répondu aux parlementaires. « Il est demandé à cette équipe de faire ce qui n’a jamais été fait dans ce pays. (…) Cela a été encadré par des experts qui ont validé une grille de rémunération ». Fin de l’histoire ? Pas sûr.

Rien pour les bénévoles et les spectateurs

À côté de ces belles rémunérations, il reste peu d’argent disponible pour faire preuve de largesse.

Samedi 23 mars, Tony Estanguet, a accueilli en grande pompe, à Paris la Défense Arena,  les 45.000 volontaires qui ont répondu à l'appel pour aider gratuitement à l'organisation des JO. Des bénévoles non payés et non logés, qui auront juste le droit à un titre de transport (finalement), à un repas et une tenue.

Le COJOP a aussi abandonné la promesse de la gratuité des transports pour les spectateurs, pourtant prévue dans le cahier des charges lors du dépôt des candidatures, et a récemment sollicité la région Île-de-France pour prendre en charge les déplacements des 200.000 personnes accréditées, dont les athlètes et les officiels. Un budget estimé à un peu moins de 10 millions d’euros.

A 120 jours de la cérémonie d’ouverture, il devrait être question de sport, de la préparation des sites et du décor. Mais ce bel esprit de Pierre de Coubertin n'est, semble-t-il, pas forcément partagé au plus haut sommet de la pyramide...

Alessandra d'Angelo