Les députés européens avaient soutenu sa nomination. Et pourtant, c’est la douche froide pour la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) qui dirige l’institution depuis octobre 2019. Selon une enquête interne menée par le syndicat IPSO, une majorité de répondants juge « mauvaise » ou « très mauvaise » ses performances. « Mario Draghi était là pour la BCE alors que la BCE semble être là pour Christine Lagarde », écrit un des répondants, membre du personnel de l’institution monétaire de l’UE. En résumé, si sur la scène mondiale, Christine Lagarde, se prend pour la rockstar internationale de la finance, dans son pays, ses disques ne se vendent pas. Pour ses équipes, elle n’est pas idoine. Son taux de confiance est au plus bas.
Dans cette enquête consultée par POLITICO, une majorité de 53,5% classe la performance globale de Lagarde dans la première moitié de son mandat de huit ans comme « très médiocre » ou « médiocre ». C'est un contraste frappant avec les rapports élogieux que ses prédécesseurs Mario Draghi et Jean-Claude Trichet ont reçu dans des enquêtes similaires. Moins d'une personne sur dix a jugé Draghi « très mauvais » ou « mauvais » tandis que 55% ont jugé sa performance « très bonne » ou « exceptionnelle ». De même, seuls 14,5 % des répondants ont jugé Trichet « très mauvais » ou « mauvais ».
La Banque, c’est moi !
Les commentaires de l'enquête indiquent un mécontentement généralisé à propos de l'utilisation de la BCE par Lagarde pour promouvoir son agenda personnel, ce qui ne contribue pas à la bonne réputation de la banque centrale. Près de 64% des personnes interrogées estiment que la française n'a pas amélioré la réputation de la BCE. Plusieurs personnes interrogées estiment aussi que l'ancienne ministre des Finances veut utiliser la banque comme tremplin pour revenir en politique.
Une désapprobation générale
Seulement 38% des personnes interrogées soutiennent les décisions de politique monétaire prises par Lagarde, le reste se répartissant entre ceux qui les désapprouvent et ceux qui n'ont pas exprimé d'opinion. En revanche, M. Draghi bénéficiait d'un taux d'approbation de 64% à la fin de son mandat.
Fait inquiétant, plus de la moitié des participants à l'enquête déclare craindre que la BCE ne soit pas en mesure d'assurer le retour à la stabilité des prix qu'elle a promis. À 2,9 % en décembre, l'inflation dans la zone euro est bien loin de son pic de 10,6 %, mais reste nettement supérieure à l'objectif de 2%. Dans ce contexte, la BCE devrait se concentrer sur son mandat principal, qui est de « réduire l'inflation », estiment plusieurs répondants : « la BCE s'est concentrée sur des sujets qui dépassent son mandat dans une période où l'inflation était la plus élevée de l'histoire de l'UE ». Outre les interventions fréquentes sur des sujets hors de son champ de compétence, tels que l'égalité des sexes, plusieurs personnes ont aussi cité la décision de la BCE de prendre parti dans le conflit armé entre Israël et le Hamas, tandis que d'autres ont pointé des voyages excessifs à des fins sans rapport avec les activités principales de la BCE.
Perte de confiance
Le mécontentement ne se limite pas aux performances de la patronne. L'enquête a également montré que la confiance dans les six membres du conseil d'administration était « inexistante » ou « très faible » pour 59% des personnes interrogées. Il s'agit d'une augmentation brutale par rapport au taux déjà élevé de 40% indiqué dans une autre enquête réalisée il y a tout juste un an.
« Soyez assurés que le conseil d'administration est très attentif aux questions qui préoccupent nos collègues », indique en retour un courriel adressé au personnel. « Nous continuerons à dialoguer avec vous et vos représentants et à travailler sur des améliorations dans la mesure du possible ».
Un porte-parole de la BCE a toutefois qualifié l'enquête d'erronée, tout en justifiant par ailleurs que « le président et le conseil d'administration se concentrent pleinement sur leur mandat et ont mis en œuvre des politiques pour répondre aux événements sans précédent de ces dernières années, tels que la pandémie et les guerres ». Le syndicat IPSO a répondu du tac au tac que, peu importe le contexte, « l'enquête actuelle avait été menée en utilisant la même méthode et le même outil que l'enquête menée à la fin de la présidence de M. Draghi ».