Le nombre de femmes incarcérées a doublé

Share on Facebook

Selon Penal Reform International (PRI) et le Thailand Institute of Justice qui copublient Global Prison Trends 2020, plus de 700.000 femmes sont actuellement emprisonnées dans le monde et ce chiffre grimpe beaucoup plus rapidement que pour les hommes. Les dernières statistiques dévoilent que, depuis 2002, il a augmenté de 50 %. D’après un autre rapport publié ce 22 septembre 2021 par The Sentencing Project, le nombre de femmes condamnées à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle a aussi augmenté au cours de la dernière décennie, et tout particulièrement aux Etats-Unis. Voici pourquoi la délinquance au féminin progresse.

Onze millions de personnes sont actuellement détenues dans le monde. En prison, les femmes sont moins nombreuses que les hommes. À l'échelle mondiale, elles représentent entre 2 et 9% de la population carcérale selon les contrées. Les proportions les plus élevées sont observées en Asie et aux Etats-Unis, tandis que les pays africains comptent le moins de femmes parmi leurs détenus. En Belgique, cette représentation est de 4,33 % pour l’ensemble de nos détenus. Mais leur nombre augmente plus rapidement que l'augmentation du nombre de détenus de sexe masculin. The Sentencing Project identifie plusieurs facteurs.

Plus souvent complices de délits

La question criminelle n’est pas qu’une affaire d’hommes. La délinquance féminine est bien une réalité. Les femmes délinquantes se distinguent toutefois de leurs homologues masculins en ce qu’elles commettent des infractions moins lourdes et sont moins nombreuses qu’eux à être condamnées pour plusieurs infractions à la fois. Le vol est l’infraction pour laquelle le taux d’implication des femmes, par rapport aux hommes, est le plus élevé. Cette constatation est vraie dans un grand nombre de pays et stable au fil du temps. Leurs carrières criminelles sont également moins longues et elles récidivent plus rarement. Si elles sont moins nombreuses que les hommes à commettre des infractions graves, en revanche, elles sont plus en plus nombreuses à être impliquées comme complices dans la réalisation délits. Elles terminent dès lors de plus en plus souvent en prison.

Un mode opératoire criminel différent

L'analyse des données relatives aux arrestations pour homicide révèle aussi que les femmes qui commettent un homicide le font un peu plus tard dans la vie que les hommes. Alors que 48 % des hommes ont moins de 25 ans au moment de l'infraction, un tiers seulement des femmes ont au moins 25 ans lorsqu'elles tuent. L’âge moyen pour une femme se situe aux alentours des 36 ans.

Si le crime au féminin a toujours existé, le mode opératoire évolue aussi. Il fut une époque révolue où l’agir criminel d’une femme était plus discret. Empoisonner était la méthode privilégiée par les « veuves noires ». Ce sont historiquement les plus nombreuses parmi les tueuses en série. Comme l’araignée dont elles tirent leur surnom, elles utilisent le poison pour tuer plutôt que de porter un coup de couteau ou de tirer à bout portant. Mais, depuis le début des années 90, les femmes criminelles ont tendance a fortement se masculinisées dans les actes posés. Les nouvelles générations ont basculé dans l’action et la violence n’est plus l’apanage des seuls hommes.

Les mineures d’âge en première ligne

Selon les derniers rapports, la violence chez les mineures a augmenté de manière inquiétante. Les infractions commises par ces dernières recensent des atteintes aux biens et des atteintes volontaires à l’intégrité physique, avec une hausse de 80% de leur mise en cause dans des faits de violences et de menaces, surtout en bandes. Même très jeunes, les adolescentes n’hésitent plus à frapper pour régler un contentieux. Si la délinquance féminine reste inférieure à celle des garçons, elle progresse néanmoins trois fois plus vite dans la tranche d’âge des 13-20 ans qui arrivent devant les tribunaux.

En revanche, là où l’inconscient collectif a peu évolué, c’est dans la conception de l’infraction commise au féminin. « On repousse toujours l’idée qu’une femme, qui représente la douceur et la maternité, puisse être une tueuse, encore moins méthodique, sans scrupules et sans états d’âme, ce pourquoi les femmes tueuses n’inspirent pas la même peur qu’un tueur et pourtant.. », explique le sociologue Arthur Vuattoux(*), maître de conférences en sociologie à l'Université Sorbonne Paris Nord. « Ceci explique aussi pourquoi les jeunes délinquantes bénéficient d'un a priori positif de la part des forces de l’ordre . Elles se font proportionnellement moins interpeller ou repérer par la police que les garçons. Et même lorsqu’elles se font interpeller, l’indulgence qui leur est accordée les fait disparaître plus facilement par relaxe au début de chaîne pénale, ce qui n’empêche toutefois pas les chiffres de la délinquance féminine d’augmenter ».

(*) Arthur Vuattoux, Adolescences sous contrôle. Genre, race, classe et âge au tribunal pour enfants, Paris, Editions Les Presses de Sciences Po, 2021

 

 

Alessandra d'Angelo