Le département de la police du district de Columbia a annoncé qu’un officier ayant participé à l'émeute du 6 janvier s’était donné la mort. Ce suicide survient une semaine après des témoignages livrés devant la commission d’enquête spéciale de la Chambre des représentants. La défense du Congrès fut une expérience très éprouvante pour les équipes d’intervention. Ce décès porte à quatre le nombre de suicides au sein des forces de l’ordre ayant défendu le Capitole pris d’assaut par des partisans de Donald Trump, alors président, venus empêcher la certification par le Congrès de la victoire électorale du président démocrate Joe Biden.Quatre manifestants sont morts le jour des violences et un agent de police le lendemain. Plus de 100 policiers ont été blessés. Près de 600 personnes sont inculpées pour leur participation à cette insurrection.
Gunther Hashida (44 ans), affecté à l'équipe d'intervention d'urgence au sein du département des opérations spéciales, a été retrouvé mort à son domicile le 29 juillet, a indiqué le porte-parole de la police métropolitaine, Kristen Metzger, dans un communiqué : « nous sommes en deuil en tant que département et nos pensées et prières vont à la famille et aux amis de l'agent Hashida ». G. Hashida avait rejoint le Metropolitan Police Department en 2003. Ce décès est le quatrième en six mois. Ce sont également donné la mort : l'agent de la police métropolitaine Jeffrey Smith (12 ans de service), l'agent de la police du Capitole Howard Liebengood (16 ans de service) et l'agent de la police métropolitaine Kyle DeFreytag (5 ans de service).
Les familles de ces officiers qui ont mis fin à leurs jours ont toutes déclaré avoir remarqué un changement de comportement chez leurs proches à la suite de l'émeute. « Je crois vraiment que s'il n'était pas allé travailler ce jour-là, il serait ici parmi nous et nous n'aurions pas cette conversation », a déclaré Erin Smith, l'épouse de l’agent Smith, au New York Times.
« I’m back from hell »
La prise d’assaut du Capitole a profondément choqué l'Amérique comme le monde entier. Le 27 juillet, plusieurs agents en service le jour de l’émeute ont témoigné devant la commission d’enquête spéciale de la Chambre des représentants de la violence physique et verbale dont ils ont fait l’objet. Au cours de l'audience, les agents ont décrit la brutalité des corps à corps sauvages. Ils ont détaillé comment ils ont été battus, écrasés, aspergés de produits chimiques et soumis à des insultes raciales et à des menaces de mort par les partisans de Trump.
L'un d'eux, Michael Fanone, a été roué de coups avec des mâts de drapeaux et au Taser. Bilan : un traumatisme crânien, un arrêt cardiaque et des mois de reconstruction psychique. Il est toujours actuellement en état de stress post-traumatique. « I’m back from hell » (NDLR : je reviens de l’enfer) a-t-il déclaré avec émotion. M. Fanone a également révélé le détail d’un message reçu sur son portable alors qu'il témoignait à la barre, soit une longue diatribe d'un partisan de Trump comprenant des insultes raciales, des menaces de mort et des accusations selon lesquelles il était « un traître ». « Ce message », a-t-il dit, « reflète la colère croissante, fomentée en grande partie par le président précédent et ses acolytes. C'est ce qui arrive quand on dit la vérité dans l'Amérique de Trump… ». Tapant du poing sur la table, il a aussi dénoncé « l'indifférence de certains » face au traumatisme des forces de l'ordre : « la vérité, c’est aussi que j'ai l'impression d'être allé en enfer et d'en être revenu pour les protéger et trop de personnes dans cette salle me disent maintenant que l'enfer n'existe pas ou que l'enfer n'était en fait pas si terrible », a-t-il ponctué
Un bras de fer politique
« Ces témoignages sont d'autant plus importants que certains essaient aujourd'hui de revisiter l'histoire et de présenter le 6 janvier comme une simple visite de touristes », a déclaré sur CNN l'élu démocrate Adam Schiff qui siège au sein de cette commission d'enquête. « Leur audition n'est que le début d'investigations au long cours pour lesquelles nous ne nous interdirons rien » a précisé dans une tribune publiée par le Washington Post son confrère Bennie Thompson qui dirige les travaux de la commission d’enquête. « Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour comprendre ce qui s'est passé, pourquoi et comment lors de cet assaut visant à faire dérailler la démocratie ». La commission a ainsi le pouvoir de réclamer des documents et de convoquer d’autres témoins, ce qui fait l’objet d’un bras de fer politique.
En janvier dernier, les responsables des deux partis avaient pourtant tous condamné l'attaque sur le Capitole, le leader républicain à la Chambre Kevin McCarthy allant jusqu'à évoquer la part de responsabilité de Donald Trump qui avait harangué la foule avec ses allégations infondées de fraudes électorales quelques instants plus tôt. Son refus de toute remise en question a ensuite poussé les républicains, qui disposent d'une minorité de blocage au Sénat, à torpiller la création d’une commission d'enquête indépendante composée d'experts nommés par les deux partis, comme celle mise en place après les attentats du 11-Septembre.
Après ce revers, les démocrates ont avancé seuls, avec la présidente de la Chambre Nancy Pelosi à la manœuvre. Le 24 juin, elle a annoncé la création d'une « commission spéciale » chargée de comprendre les manquements des services de renseignement, de la police et de l'armée le 6 janvier. Seuls deux républicains, directement choisis par elle, ont accepté d’y participer: Adam Kinzinger, une des rare voix du Grand Old Party à oser ouvertement critiquer Donald Trump et Liz Cheney qui a déclaré en ouverture de séance : « aucun membre du Congrès ne devrait essayer de réécrire ce qui s'est passé ce jour-là ». La critique est implicite vis-à-vis de ses collègues qui mènent une croisade pour protéger l'ancien président. Pour les pro Trump, la commission d’enquête spéciale est de facto « une imposture dont le résultat est prédéterminé ».
Le président Joe Biden a quant à lui apporté son soutien à cette commission. Selon la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki, « il a le même objectif que Mme Pelosi : aller au fond de ce qui s'est passé et empêcher que cela ne se reproduise ».